LE CENTRISME

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LE SITE POLITIQUE DU CENTRE & DU CENTRISME

 
  HISTOIRE DU CENTRE & DU CENTRISME                                                                                                                                 
 

 

 

Le Centre

Au cœur de l’histoire politique

 

 

 

Le Centre en tant que pensée politique autonome existe depuis peu - le milieu du XX° siècle - et cette pensée centriste ne prendra véritablement son essor qu’après la deuxième guerre mondiale. Aujourd’hui encore, elle cherche ses marques, tiraillée entre être ce lien entre la Droite et la Gauche ou une vision indépendante et particulière de la politique.

 

En revanche, un centre de la vie politique, où se sont retrouvés des partis et des personnalités soit rejetés par les extrémistes, soit, ce qui est plus intéressant, se positionnant comme modérés, existe depuis plus de deux cents ans (comme les termes «droite» et «gauche»), un centre qualifié tantôt d’espace intermédiaire, de voie moyenne ou de juste milieu.

 

Cependant, si le mot «centre» apparaît à la fin du XIII° siècle, le terme «centriste», lui, ne fait son entrée officielle en politique qu’en 1922 Quant à celui de «centrisme», il est utilisé pour la première fois en 1936. Le terme de «Juste Milieu», souvent utilisé comme synonyme de centre est plus lointain. Le philosophe chinois Confucius ou K'ong Fou-Tseu (au VI° siècle avant Jésus-Christ) l'utilise dans une vision d'équilibre de la société (n'oublions pas que la Chine s'appelle en réalité Zhon Guo, c'est-à-dire l'Empire du Milieu, un pays géré au centre par un homme qui a reçu son mandat du Ciel et de la Terre parce qu'il a su trouver et garder le centre qu'il manifeste).

 

Aristote (IV° siècle avant Jésus-Christ) fait du «Juste Milieu» le paradigme de la vertu morale. Pour lui, ce «Juste Milieu» est tout sauf une morale de la médiocrité: «Ce qui est un milieu du point de vue de l’essence est un sommet du point de vue de l’excellence». Cette «médiété» est pour le philosophe grec, un «extrême», c’est-à-dire la «perfection» morale la plus difficile à atteindre

 

Notons aussi que le Romain Cicéron (I° siècle avant Jésus-Christ) utilise également cette notion à la fin de la république romaine dans l’optique de mettre en place un gouvernement modéré face à l’extrémisme des factions.

 

 

 

 

 

1791

Naissance du Centre

 

 

 

 

Un centre politique est apparu lors de la Révolution française. En effet, ni la Grande Bretagne, ni les Etats-Unis, deux pays ayant pourtant introduit le régime parlementaire avant la France, ne possédaient au XVIII° siècle un parti situé au centre de l’échiquier politique. Ce qui ne signifiait pas que les gouvernements de ces deux pays n’agissaient pas «au centre» ou que nombre de leur hommes politiques ne soient pas des modérés ou des personnes militants pour un équilibre. Pour autant, aucun politique ne se réclamait d’une mouvance politique entre les conservateurs et les libéraux en Grande Bretagne ou entre les fédéralistes et les républicains aux Etats-Unis.

 

En France, c’est tout le contraire. Dans l’Assemblée de 1791, la force principale (plus de 300 députés) mais inorganisée, est constituée par des députés pour qui prévalent l'attachement aux principes et aux conquêtes de 1789. Ils craignent la surenchère des proches du roi et ceux des révolutionnaires extrémistes.

 

C'est en 1793 qu'ils seront baptisés la «Plaine» (ou du terme plus péjoratif de «Marais» par leurs détracteurs). Ce terme vient de l'opposition entre eux et les Montagnards qui sont les révolutionnaires extrémistes et qui ont décidé de se placer en haut et à gauche de l'Assemblée (puis, lorsqu'ils prendront plus de place, en haut à gauche et à droite). C'est ainsi que naît la lutte entre la Montagne et la Plaine... Une lutte qui se fait au grand dam des citoyens qui demandent que les deux factions travaillent ensemble. Impossible répond un député Montagnard : «Il est impossible que la Montagne descende dans la Plaine et que la Plaine monte sur la Montagne» (Lacoste). Le terme assez péjoratif de «Marais» montre qu’adopter une position «au centre» n’était déjà guère aisée…

 

Notons que les termes Droite et Gauche n'existent pas encore. Ils seront utilisés, rétroactivement et improprement, par plusieurs historiens. Ensuite, ce clivage s’installera réellement dans l’opinion en 1914 et deviendra une référence incontournable en 1936.

 

Sous la Restauration (1814-1830) des ministères modérés gouvernèrent la France par intermittence sans pour autant se qualifier de centriste ou d’un terme équivalent. Disons que les «modérés» sont ceux qui tentent tant bien que mal de limiter, avec l’appui de Louis XVIII, la réaction des ultra-monarchistes revenus au pouvoir et emmenés par le futur Charles X.

 

 

 

 

 

1830

Le centrisme est orléaniste

 

 

 

 

Le Centre prend vraiment son envol politique sous la Monarchie de Juillet (1830-1848), avec l’apparition de l’Orléanisme qui est alors une conjonction des modérés de gauche et de droite et que certains baptisent «conjonction des centres» (selon un dictionnaire politique de 1842, c’est le centre qui gouverne en France) avec, comme figures emblématiques, Adolphe Thiers pour le centre gauche et François Guizot pour le centre droit. Notons que ce dernier, alors premier ministre de Louis-Philippe, utilisera l’expression de «juste milieu» pour définir son positionnement politique et la majorité qui le soutient. Cette politique souhaite réconcilier la bourgeoisie attachée à certaines conquêtes révolutionnaires et à certains privilèges de l’Empire et la noblesse toujours majoritairement anti-démocratique («Une politique du juste milieu cherchant à trouver le chemin d'un gouvernement constitutionnel également distant de l'Ancien Régime et des ardeurs jacobines» comme l'écrit Pierre Rosanvallon).

 

L’Orléanisme a gardé la postérité assez négative d’un mouvement qui était surtout contre les extrêmes sans pour autant développer une pensée propre. Ceci, d’ailleurs, le discrédita aux yeux de ses contemporains et figure parmi les causes de la Révolution de 1848. Néanmoins, la réalité, comme souvent, semble moins catégorique, comme l’explique l’historien René Rémond: «Il est contraire à la vérité historique qu’à la justice de le peindre sous les noires couleurs d’une coterie toute préoccupée de compromis et d’opportunisme. Si l’Orléanisme a pu survivre longtemps au régime dont il tire son nom et sa tradition, c’est qu’il s’appuyait sur des convictions, se référait à une doctrine, comportait une idéologie». Ainsi, par exemple, «Le parlementarisme, c’est le compromis érigé en règle de gouvernement, l’application au fonctionnement de l’Etat de cet esprit de conciliation qui est l’essence de l’Orléanisme».

 

 

 

 

 

1848

Les centristes «bleus»

 

 

 

 

L’éphémère Deuxième République sera gouvernée «au centre» par les «bleus», les républicains (Alphonse de Lamartine, Etienne Arago, Adolphe Crémieux, Louis-Antoine Garnier-Pagès, Louis-Eugène Cavaignac entre autres) aussi hostiles au retour de la monarchie défendue par les «blancs» que par le socialisme défendue par les «rouges» avec Alexandre Ledru-Rollin.

 

Cette donne politique, on la retrouvera sous le Second Empire, après la période autoritaire, lorsque les circonstances obligent Napoléon III à un règne plus ouvert, baptisé «Empire libéral», donc plus consensuel avec la figure d’Emile Ollivier.

 

En 1864, dans son Dictionnaire générale de la politique, Maurice Block définit ainsi le centre: «En politique on désigne par le nom de centre la partie moyenne des assemblées législatives, c’est-à-dire ceux des membres de ces assemblées qui se tiennent à égale distance des représentants du passé, d’une part, et des promoteurs du progrès (réel ou supposé), de l’autre. (…) On parle d’un centre droit et d’un centre gauche, selon que ceux qui en font partie inclinent davantage aux idées anciennes ou aux idées nouvelles.»

 

 

 

 

 

1870

Les débuts du Centrisme républicain

 

 

 

 

C’est au cours des régimes républicains qui se sont succédé depuis l’avènement de la Troisième République en 1870 qu’un Centre se structure vraiment d’abord comme force politique puis comme une pensée politique autonome. De la fin du XIX° siècle jusqu’en 1958, de nombreux partis «centristes» ont existé et le «gouvernement au centre» a été souvent de mise avec des coalitions de type «Concentration», «Conjonction des centres» (de 1896 à 1898 avec le ministère Méline) ou «Troisième force» (de 1947 à 1951 et de 1956 à 1958 où se retrouvaient les radicaux, les socialistes et le MRP (Mouvement Républicain Populaire, parti démocrate-chrétien progressiste). Néanmoins, on peut affirmer que peu de partis furent réellement centristes, à part sans doute le MRP - et encore - et qu’il n’y eut jamais réellement de «gouvernement du Centre». Reste que la politique modérée mise en œuvre chaque fois qu’il y eut «gouvernement au centre» n’est pas sans filiation avec certaines valeurs mises en avant par le Centre.

 

Pour autant, cette filiation demeure lointaine. Car ce centre et ce centrisme n’ont été, pendant longtemps, qu’une simple localisation sur l’échiquier politique de partis et de personnalités qui ne se reconnaissaient ni dans la droite extrême, ni dans la gauche extrême ou, pire encore, qui se retrouvaient au centre malgré eux (comme le Parti Radical avec un programme de gauche et une pratique de droite ainsi qu’un positionnement de «parti charnière», c’est-à-dire de formation politique d’appoint nécessaire pour bâtir une majorité). Ainsi, point de «pensée centriste» et encore moins de «politique centriste». Aucun modèle idéal centriste, aucun paradigme centriste, non plus.

 

 

 

 

 

1880-1900

La République au Centre

 

 

 

 

De 1880 à 1900, beaucoup d’observateurs (Eugen Weber, Léon-Ernest Jacques, Guy Antonetti, etc.) estiment que la III° République fut gouvernée au centre avec les Républicains modérés qui demeurèrent au pouvoir de 1876 à 1898. Ainsi, une figure comme Jules Ferry, annexé plus tard par la Gauche - et figurant depuis dans son panthéon de ses illustres ancêtres -, était alors traité de libéral et décentralisateur, deux termes qui le situe plutôt au centre…

 

Comme l’écrit le politologue Marc Crapez: «En dépit des dénominations parlementaires de l’époque, la Troisième République est assise sur un centrisme qui ne tend à porter parfois à gauche qu’eu égard à l’anticléricalisme. L’opportunisme gouverne socialement contre le socialisme et politiquement contre la Droite. Si le centre de gravité politique du régime est l’opportunisme, son point d’équilibre idéologique réside entre la Gauche modérée (centre-gauche) et le Centre-Gauche des orléanistes «avancés» (centre-droit). C’est cette alliance qui fonde la stabilité de la Troisième République. (…) Le tempérament «orléaniste libéral» recouvre le personnel du Centre-Gauche et du Centre-Droit.» (Le clivage droite-gauche in Revue de science politique, 1999).

 

 

 

 

 

1946

La troisième force avec le MRP

 

 

 

 

Alors que les centristes ont souvent été vilipendés pour se rallier à la Droite, on doit à un mouvement de centre-gauche la première ébauche de pensée politique centriste. Ce n’est, en effet, véritablement qu’après la deuxième guerre mondiale que les idées centristes se structurent en véritable projet programmatique avec, en particulier, le MRP (parti fondé les 25 et 26 novembre 1946 et première force politique française aux élections de juin 1946).

 

Cette politique démocrate chrétienne de gauche ne sortait pas de nulle part. Elle était directement inspirée par les catholiques de gauche ou sociaux qui s’étaient investis dans la sphère politique depuis le début du siècle avec Marc Sangnier puis Emmanuel Mounier qui créèrent notamment le «personnalisme» qui se voulait une pensée déterminant l’être humain dans la société en opposition à l’individualisme et au constructivisme dans une optique de fidélité à l’Evangile.

 

Cette démocratie chrétienne fut d’abord soutenue par le Vatican à la fin du XIX° et au début du XX° siècle avant d’être condamnée par les autorités ecclésiastiques. Les promoteurs de ce mouvement mirent alors en place d’autres structures en évitant d’utiliser des appellations religieuses. C’est ainsi que les démocrates chrétiens de droite créèrent en 1924, le Parti Démocrate Populaire qui demeura une petite formation politique jusqu’à sa disparition lors de la Deuxième guerre mondiale.

 

Les Démocrates chrétiens se retrouvèrent ensemble dans la Résistance durant le deuxième conflit mondial. C’est là qu’ils imaginèrent l’entreprise du MRP qui se voulait une alternative entre la Gauche et la Droite. Comme le déclarait un de ses dirigeants historiques, Pierre-Henri Teitgen, «le MRP ce n’est ni le socialisme malade de l’Etat, ni le libéralisme malade de l’argent». Et son comité national en 1964 affirmait toujours cette même volonté, alors que le parti était en nette perte de vitesse, «le MRP luttera contre toute tentative de polarisation de l’opinion publique autour des extrêmes».

 

Il s’agissait donc de créer un grand parti centriste de tradition chrétienne comme dans les autres pays d’Europe, notamment en Italie et en Allemagne. Cette tâche fut poursuivie ensuite par les héritiers du MRP (qui se mit «en sommeil» en 1967 après avoir quitté le gouvernement en 1962) mais plus à droite que lui, avec des partis comme le Centre démocrate (1966) qui vit le jour après l’élection présidentielle de 1965 et qui regroupait les partis qui avaient soutenu la candidature de Jean Lecanuet ou le Centre démocratie et progrès (1969) qui est issu d’une scission d’avec le Centre Démocrate.

 

 

 

 

 

1971

Du Centre Démocrate au CDS en passant par le Mouvement Réformateur

 

 

 

 

Dans les années 197, les Démocrates chrétiens s’allièrent à d’autres centristes ce qui donna, notamment, le Mouvement Réformateur créé par le Centre Démocrate, le Parti Radical et quelques autres composantes centristes le 3 novembre 1971 (avec la parution en 1973 du «Projet réformateur» signé Jean-Jacques Servan-Schreiber) et qui devint en juin 1975 la Fédération des Réformateurs. Puis vint le tour du CDS (Centre des démocrates sociaux) en 1976.

 

Toute cette mouvance centriste se déchira au cours de la fin des années soixante et le début des années soixante-dix jusqu’à ce que Valéry Giscard d’Estaing (droite modérée) parvienne à la présidence de la république française en 1974 (avec 50,66 % des voix au second tour) et les réunisse autour puis au sein de l’UDF créée le 1er février 1978. Même s’il n’était pas centriste, le nouveau président se situait entre les socialistes et les gaullistes et développa au fil du temps une envie de «juste milieu» (terme, on l’a vu, déjà utilisé par Guizot en son temps…) et une tentative de «libéralisme avancé» qui souhaitait allier un libéralisme économique et une société libéralisée (droit de vote à 18 ans, légalisation de l’avortement, etc.).

 

Avant cela les centristes avaient été présents et pas simplement pour faire de la figuration, aux élections présidentielles de 1965 avec Jean Lecanuet (membre du MRP puis de toutes les formations centristes et, enfin, président de l’UDF) qui obtint 15,85 % des voix permettant de mettre le Général de Gaulle en ballottage et à celles de 1969 avec Alain Poher, le président du Sénat, qui obtint 23,42 % des voix au premier tour et 42,41 % au deuxième tour. Deux tentatives malheureuses, malgré des chiffres tout à fait honorables (même si les circonstances de l’élection de 1969 permirent ce score élevé: de nombreuses voix socialistes se portèrent dès le premier tour vers cette candidature qui était avant tout antigaulliste et anticommuniste avant d’être pro-centriste…), démontrant, à chaque fois, que le Centre existait bien électoralement.

 

 

 

 

 

1978

L’UDF au pouvoir puis marginalisée

 

 

 

 

L’Union pour la démocratie française ou UDF a été conçue et voulue par Valéry Giscard d’Estaing pour se doter d’un parti de centre-droit qui pouvait faire concurrence aux Gaullistes alors première force politique de droite en vue des élections législatives de 1978. Cette «union» s’en sortit assez bien et devint une force politique à part entière.

 

La pensée de l’UDF se rattachait, à ses débuts, au contenu d’un livre publié le 11 octobre 1976 par le président de la république, «Démocratie française» qui se voulait la base idéologique d’un parti du consensus, du «juste milieu» (on reprochait alors au «giscardisme» d’être une pensée politique pauvre et très élastique essentiellement due au fait qu’il était né du regroupement hétéroclite de petits partis aux orientations parfois plus que divergentes):«Le fait est là: la réalité sociale de la France est celle d’une société en voie d’unification, sous l’action de trois facteurs qu’il faut constamment garder à l’esprit: élévation du niveau de vie, éducation et information».

 

De ce constat (repris dans un second ouvrage, «Deux Français sur trois» publié en 1984), Valéry Giscard d’Estaing – battu entre temps aux élections présidentielles de 1981 par François Mitterrand - tirait la conclusion qu’il existait donc «un immense groupe central aux contours peu tranchés», un «centre sociologique». Et, «sa vocation n’est pas d’être embauché comme troupe de renfort pour des combats qui ne seraient pas les siens, qu’il s’agisse du combat de retardement des tenants de l’immobilisme social, ou du combat des prophètes du messianisme prolétarien… Elle est d’être le rassembleur d’une société progressivement débarrassée de ses divisions.»

 

Dans son esprit, c’est l’UDF qui avait vocation à représenter ce groupe central et à se positionner au centre de l’échiquier politique. Cela en fit-il pour autant un parti véhiculant une pensée réellement centriste? Non, pour deux raisons. La première est que l’UDF était composée d’une multitude de courants dont certains n’avaient aucune filiation avec le Centre mais plutôt des ramifications avec la droite extrême ou avec un conservatisme pur et dur. La deuxième est donnée par Valéry Giscard d’Estaing lors d’un discours en 1980: «C’est la ligne du juste milieu». Cette terminologie de «juste milieu», on l’a vu, fut déjà utilisée par Guizot, premier ministre du roi Louis-Philippe. C’est avant tout un positionnement politique par rapport à des extrêmes et non une pensée politique forte et autonome.

 

Cette idée du «juste milieu» ne renvoie qu’à une politique molle et sans contenance si elle est vraiment appliquée à la lettre. Or le Centre est une force dynamique qui propose sa propre vision de la société et non une vision édulcorée de Droite et de Gauche. La vraie politique du Centre c’est le «Juste Equilibre» et non le «juste milieu».

 

Néanmoins, il est indéniable que l’UDF se fixait des objectifs centristes: «La synthèse, la rencontre des hommes, la mobilisation des forces pour aider la France et non pour déchirer la France.» proclamait son fondateur qui ajoutait, à propos de son «juste milieu»: «Ce n’est pas une ligne neutre. C’est une ligne de paix et d’entente, à suivre avec beaucoup de soin dans ces temps de tempête. (…) C’est la ligne juste, celle où peuvent un jour se rencontrer, se réunir et de rassembler les Français.»

 

A la fin des années 1990, l’UDF a évolué vers plus d’homogénéité (récupérée essentiellement par Force Démocrate, anciennement appelée CDS, créée en 1995 par François Bayrou) et affirma à partir de 1999 (1) et, surtout, depuis les élections présidentielles de 2002, sa vocation à être ce parti du Centre en développant une pensée autonome à partir d’un héritage diversifié provenant notamment de ses origines libérales mais aussi de la démocratie chrétienne (2).

 

Malgré un nouvel enterrement de la mouvance centriste par les «experts» et autres journalistes, l’UDF, en allant seule au combat de l’élection présidentielle de 2002 et aux élections européennes de 2004, prouva qu’un centre électoral existait encore même si les scores obtenus n’ont pas été à la hauteur d’une formation politique qui souhaitait jouer un rôle majeur au niveau national et européen. Les sondages étaient d’ailleurs paradoxaux. Si les Français souhaitaient une présence plus importante de l’UDF et son affirmation en tant que formation centriste, ils n’étaient pourtant pas prêts à voter massivement pour elle peut-être faute de lisibilité ou de crédibilité sur ses propositions ou encore sur l’absence de charisme de ses dirigeants. Néanmoins, l’ancrage au centre semblait se préciser lors du congrès extraordinaire du mouvement début 2006 à Lyon qui légitima le discours centriste de François Bayrou.

 

 

 

 

 

2007-2013

Du Mouvement démocrate à L’Alternative en passant par l’Union des démocrates et indépendants

 

 

 

 

Le positionnement centriste de l’UDF fut remis en cause lors de l’élection présidentielle de 2007. François Bayrou, une nouvelle fois candidat, joua une partition plus proche de la gauche que de la droite sans réel propositions centristes. Cela lui permit de faire un très bon score - 18,57% - au premier tour mais pas de participer au second tour qui vit la victoire de Nicolas Sarkozy, le candidat de la droite. Cette défaite honorable enflamma le leader de l’UDF qui s’était vu pendant un temps à l’Elysée. Du coup, pour façonner un parti uniquement dédié à son avenir présidentiel, il changea l’UDF en Mouvement démocrate où la référence centriste ne fut plus utilisée que pour se différencier de l’UMP, le parti du nouveau président français, Nicolas Sarkozy, et du Parti socialiste avec un curseur se situe néanmoins nettement au centre-gauche.

 

D’ailleurs, François Bayrou a plusieurs fois déclaré que le mot «centrisme» ne faisait pas partie de son vocabulaire. Il veut plutôt incarner une «troisième voie» dont il a toujours eu du mal à dessiner les contours, les confondant souvent avec ceux d’une union nationale qui furent des thèmes de ses campagnes présidentielles de 2007 et 2012.

 

L’élection présidentielle de 2007 a également été, paradoxalement, une catastrophe pour le Centre. Car le bon score de François Bayrou a provoqué l’implosion de l’UDF. Ainsi, la frange de centre-droit de l’UDF qui ne se reconnaissait plus dans le message «gauchisant» de son président a quitté le parti entre les deux tours de l’élection pour créer une nouvelle formation politique, le Nouveau Centre, qui a soutenu Nicolas Sarkozy au second tour et qui a participé sans interruption au gouvernement de ce dernier de 2007 à 2012 et a fait partie, à l’Assemblée Nationale, de la majorité présidentielle sans grande indépendance.

 

Cette séparation entre un Mouvement démocrate lorgnant à gauche et un Nouveau Centre faisant de même à droite a laissé orphelins un certain nombre de centristes qui préfèrent un parti centriste indépendant même si celui-ci doit nouer des alliances politiques de gouvernement. C’est dans ce sens que Jean Arthuis, sénateur de la Mayenne et ancien membre de l’UDF, a créé en juin 2009 un parti, l’Alliance Centriste, dont le but était de réunifier les Centristes dans un même parti indépendant et de proposer un programme centriste. Mais cette tentative n’a pas abouti, l’Alliance centriste étant demeuré un micro-parti politique sans réelle direction et personnalités de premier plan.

 

A l’approche des élections présidentielles de 2012, plusieurs centristes déclarèrent leur intention de se présenter: François Bayrou (Mouvement démocrate), Hervé Morin (Nouveau centre), Jean-Louis Borloo (Parti radical), Jean Arthuis (Alliance centriste). Les deux derniers en demeurèrent là alors que François Bayrou et Hervé Morin partaient à l’aventure sans savoir exactement de quoi elle serait faite, tant le Centre semblait absent des préoccupations politiques des Français.

 

Au cours de la campagne, Hervé Morin déclara forfait, à la fois, à cause de sondages catastrophiques (1% d’intentions de vote), de difficulté à obtenir les 500 parrainages d’élus pour se présenter et d’une hostilité dure d’une partie du Nouveau centre dont il était pourtant le président (hostilité venue d’anciens ministres de Nicolas Sarkozy comme Maurice Leroy et François Sauvadet et surtout de son président-délégué, Jean-Christophe Lagarde).

 

Ne demeurait plus en liste que François Bayrou qui crut pouvoir rééditer son score et sa performance de 2007 lorsque des sondages dans lesquels il plafonnait autour de 7% le montrèrent aux alentours de 13% d’intentions de vote en quelques semaines. Mais cela ne dura qu’un temps et il retomba vite sous les 10%. C’est d’ailleurs un score de 9,3% qu’il réalisa lors du premier tour.

 

C’est alors qu’il décida de se désister pour le candidat socialiste et futur président de la république, François Hollande, s’attirant l’ire d’une grande partie des centristes, même dans son propre parti.

 

Les élections législatives qui suivirent furent cruelles pour les centristes qui perdirent de nombreux députés (dont le siège de François Bayrou). S’ajoute à cela de nouvelles divisions (notamment au Nouveau centre où les adversaires d’Hervé Morin le quittèrent). C’est alors que Jean-Louis Borloo (Parti radical) avec l’aide de quelques centristes comme Jean-Christophe Lagarde, François Sauvadet et Maurice Leroy, décida de fonder un groupe parlementaire réunissant les centristes à l’Assemblée nationale. L’UDI, Union des démocrates et indépendants, réunit ainsi 30 députés dont tous les centristes sauf les deux élus du Mouvement démocrate et ceux, à gauche, des Radicaux de gauche. A noter que Jean-Christophe Lagarde et les dissidents du Nouveau centre ont créé à l’été 2012, une nouvelle formation centriste, de «démocrates sociaux» selon eux, Force européenne démocrate (FED).

 

Le 18 septembre 2012, l’UDI fut transformé en parti politique réunissant en une confédération tous les partis de centre-droit (Nouveau centre, Force européenne démocrate, Alliance centriste) avec, en plus, le Parti radical et quelques groupuscules comme la Gauche moderne ou Territoires en mouvement, sous la présidence de Jean-Louis Borloo.

 

Après une année où le Mouvement démocrate et l’UDI s’opposèrent à propos de la légitimité d’incarner le Centre, un rapprochement s’est fait jour entre François Bayrou et Jean-Louis Borloo à l’été 2013.

 

Il faut dire que François Bayrou ne parvenait plus à demeurer audible et crédible alors que son parti se rétrécissait en peau de chagrin et qu’il ne parvenait pas à être un partenaire de la nouvelle majorité de gauche.

 

Les échecs de la politique du gouvernement de François Hollande lui permirent alors de critiquer l’action de ce dernier et de faire alliance avec Jean-Louis Borloo.

 

Ainsi, le 4novembre 2013, le Mouvement démocrate et l’UDI signèrent un pacte d’une «organisation coopérative» intitulée «UDI-MoDem: le Centre, l’Alternative». Cette organisation doit aboutir, en 2014, à des listes communes aux municipales et aux européennes mais aussi à la présence d’un candidat unique aux deux formations lors de la présidentielle de 2017.

 

 

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(1) Tout le monde sait, tout le monde comprend que nous étions soumis en effet à des sollicitations, des influences, des pressions assez fortes pour donner à réfléchir. Et tout le monde sait, tout le monde comprend que ce que nous engagions pour notre avenir et pour l'avenir de la France était très important. Et je vais vous dire simplement, exactement, à l'image de la matinée que nous avons vécue aujourd'hui, à quel point c'était rassurant, réconfortant, enthousiasmant, de voir une équipe de responsables majeurs ayant tous occupé, occupant et ayant vocation à occuper des responsabilités très importantes en France et en Europe. Je vais vous dire à quel point c'était rassurant de les voir réfléchir, travailler, élaborer une décision ensemble, avec une seule préoccupation : l'intérêt général. Dans la vie politique, il y a très longtemps, et pour un certain nombre d'entre nous des décennies, que nous rêvions de voir naître une force politique majeure, centrale, ouverte, réformatrice d'idées, européenne, qui s'affirme comme telle aux yeux des français, qui n'encoure pas l'accusation ni le soupçon d'être intéressée, secondaire, subsidiaire, de vouloir jouer la roue de secours, de quelque chose d'autre, d'autre force, d'autre mouvement. (Discours de François Bayrou en 1999)

(2) « Le centre a changé de visage. Hier, il était la recherche éperdue d’un compromis et une simple variante de la droite. Aujourd’hui il a renoué avec sa vocation, capable de dire non à toutes les pressions d’où qu’elles viennent, et porteur d’un projet qui ne ressembla à aucun autre, par ses idées et par la pratique. » (Discours de François Bayrou au congrès de l’UDF à Paris en 2005)

(3) « Nos électeurs, c’est la France. Je ne vois pas la France et les Français coupés en deux comme par un autre mur de Berlin. Je ne pense pas, comme certains, que droite, gauche et centre ce soit la même chose. Mais je ne considère pas que leurs différences soient irréductibles et doivent empêcher toute action commune, un jour, sur de grands sujets. » (Interview de François Bayrou au Progrès de Lyon le 26 janvier 2006)