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Le Centrisme est un
libéralisme social parce quil estime quune communauté humaine doit reposer
sur la liberté naturelle mais que celle-ci ne peut, seule, la régir entièrement. Elle
doit séquilibrer par une association entre cette liberté et un solidarisme. Cette
association est fondatrice du nécessaire lien social que toute société se doit
dinstaurer entre ses membres, lien social qui est lui-même à la base du consensus
politique légitimant un régime démocratique.
Libéral
par nature et par raison
Le Centrisme est un libéralisme par nature,
parce quil reconnaît la dimension de la personne libre et responsable comme loi
naturelle, et par raison, parce quil considère que seule la liberté permet
lédification dune société développée tant sur le plan économique, social
et culturel.
Le libéralisme cest la reconnaissance de
« biens propres » (John Locke) à lêtre humain « sa vie, sa
liberté, ses richesses » que Frédéric Bastiat nomme « La personnalité, la
liberté, la propriété ». Cest « trois choses », comme les
baptise ce dernier, préexistent aux lois et à la société. Et la liberté, ainsi que
lestime Alexis de Tocqueville, en est la pierre angulaire ce qui lui a inspiré
lidée que chaque personne était le meilleur juge de ses propres intérêts. Mais
il affirme, dans le même temps, que la liberté permet une émancipation de lêtre
humain et peut lui procurer des « passions plus énergiques et plus hautes »
que « lamour du bien-être ».
Ainsi, cest parce quil est une
personne qui jouit dune liberté que lêtre humain peut, par son travail,
acquérir des biens et se constituer une propriété constituée de richesses. Cette
liberté suppose quil ny ait pas dentraves à sa volonté
dentreprendre au sens large, sauf sil sattaque aux biens propres
dautrui (dans une société purement libérale, lEtat na comme mission
unique que de protéger ces « trois choses »). Dès lors, poussant la logique
jusquau bout, certain libéraux, dans le sillage de la pensée de Locke, affirment
que les lois du marché, dogmes indépassables, doivent sappliquer aux rapports
entre les personnes. Pour eux, tout est marchand, tout à une valeur marchande au sens
large, une valeur déchange économique (cest-à-dire que léchange peut
sapprécier en terme de richesses échangées).
Cest sans doute aller trop loin. Tous les
rapports humains ne peuvent se résumer à un relationnel « économique ».
Cela serait faire fi, par exemple, dun relationnel affectif où le don de soi
prédomine car même si une satisfaction est éprouvée par celui qui fait ce don,
celle-ci ne saurait se réduire à une valeur marchande. Dautant que, contrairement
à ce que prétend Locke, il est faux de prétendre que notre être est notre
propriété : cest notre essence. Nous pouvons en faire librement ce que nous
voulons parce que nous sommes et que nous agissons et non parce que nous nous possédons.
Ainsi, comme lexplique Emmanuel Mounier « La personne nest pas un objet.
Elle est même ce qui dans chaque homme ne peut être traité comme un objet ». Et
si nous pouvons « marchandiser » dans une certaine limite notre corps et notre
esprit, cette possibilité nest pas de même nature que la liberté qui est, pour le
chrétien Mounier, « constitutive de lexistence créée ». Voire les
relations humaines affectives (amour, amitié, solidarité, charité, etc.) uniquement
sous le prisme dune valeur marchande revient à nier la part de la personne humaine
qui, en chacun de nous, est élan moral et spirituel.
Reste que la liberté est bien au centre du
libéralisme. Mais elle nacquiert sa véritable valeur que si on lui adjoint son
corollaire, la responsabilité. Une responsabilité à double détente. La personne
humaine est responsable de sa vie mais aussi responsable de ses actes et doit en
rendre compte à la communauté si ceux-ci transgressent lordre social en
sattaquant à autrui.
Dans cette vision, lEtat se révèle un
outil au service des personnes afin de réguler leurs rapports sociaux dans le cadre
dune sécurité au sens large mais sans interférences nuisibles dans
lexpression positive de la liberté, cest-à-dire celle qui ne nuit pas aux
autres. Comme lexplique Montesquieu, « La liberté est le droit de faire tout
ce que les lois permettent ; et si un citoyen pouvait faire ce quelles
défendent, il naurait plus de liberté, parce que les autres auraient tout de même
ce pouvoir ».
Dès lors, ainsi que le déclare Emmanuel Kant,
« Ce nest que dans la société, et plus précisément dans celle où
lon trouve le maximum de liberté, par là même un antagonisme général entre les
membres qui la composent, et où pourtant lon rencontre aussi le maximum de
détermination et de garantie pour les limites de cette liberté, afin quelle soit
compatible avec celle dautrui ; ce nest que dans une telle société,
disons-nous, que la nature peut réaliser son dessein suprême, cest-à-dire le
plein épanouissement de toutes ses dispositions dans le cadre de
lhumanité ».
De cette liberté découle automatiquement une
égalité juridique, cest-à-dire que cette liberté est garantie à tous
(« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. » article 1er
de la Déclaration des Droits de lHomme et du Citoyen de 1789). Ceci signifie que
nul ne peut bénéficier de droits liés à la naissance ou à un quelconque statut social
supérieur à celui des autres. La liberté est la même pour tout le monde. Mais cela ne
signifie pas une égalité sociale et économique automatique, cest-à-dire une
« fraternité » pour reprendre la devise de la République française
(« Liberté, Egalité, Fraternité).
Social par
éthique et par respect
Tout part donc de lindividu qui possède
la liberté comme faculté inaliénable. Cependant, cet individu nest rien si on ne
lui reconnaît pas son existence vis-à-vis de lautre en lui donnant le statut
inaliénable de personne quel que soit sa position sociale et économique.
Ainsi le Centrisme se définit comme un
libéralisme social au sens où il se préoccupe de la « capacité dun
exercice effectif » des droits reconnus à chaque personne comme le disait Raymond
Aron. Le social doit permettre une recherche de légalité sociétale de la
personne : chacun doit pouvoir posséder effectivement la liberté et la possibilité
dacquérir des biens. Cette égalité sociétale ne vise pas à faire de tous un
être uniforme comme le souhaite les idéologies collectivistes. Au contraire, il désire
émanciper la personne en lui permettant dutiliser effectivement sa liberté dans sa
différence.
Dans cette optique, un encadrement juridique
égalitaire ne suffit pas à garantir cette égalité sociétale car nos sociétés
modernes sont très imparfaites (même si, par définition, toute collectivité humaine
possède une imperfection irréductible). Afin de palier aux imperfections sociales les
plus criantes, le Centrisme prône un solidarisme surtout destiné aux plus faibles de la
communauté ainsi quaux familles.
Cette solidarité peut être spontanée, initiée
par les individus eux-mêmes. Cest la meilleure solidarité car elle repose sur un
fondement moral. Malheureusement, il nest pas possible de sen remettre à elle
seule. Dès lors, en tant quoutil au service de la communauté, lEtat doit
intervenir dans le mécanisme de solidarité, notamment dans un cadre réglementaire (dans
ce que lon nomme les « droits économiques et sociaux » qui garantissent
la jouissance des droits politiques). Ainsi, comme lexprimait déjà au XIX°
siècle, Lacordaire, « Entre le faible et le fort, entre le pauvre et le riche,
cest la liberté qui opprime et la loi qui affranchit ».
A ce stade, le philosophe américain Thomas Nagel
pose une question essentielle : « Jusquà quel point est-il légitime
dexiger de lindividu quil contribue au bien-être des
autres ? » La réponse peut se décliner de deux manières. La première,
réaliste, est que lordre social est bien mieux assuré lorsque existe la paix
sociale. La redistribution est alors un outil de la préservation de la société. Mais
cette réponse ne suffit pas. La deuxième, éthique, fait appel à la dimension de
lêtre humain dans la communauté. En tant que personne, son devoir est daider
celui qui sest associé avec lui et qui est aussi une personne. Ce devoir de
solidarité que lêtre humain porte en lui doit se traduire au plan politique car,
comme le dit Victor Hugo, « Sans perspectives sur le plan social, la politique
nest que du vent ». Sans solidarité entre ses membres, une société manque
déthique et de respect. Néanmoins, cette solidarité nest pas extensible à
tous les secteurs de lactivité humaine. Sa fonction redistributrice doit
sappliquer, en priorité, en matière de
protection sociale (santé, retraite, emploi, logement) et déducation.
Ainsi, comme le souligne John Rawls,
léquité requiert, tout à la fois, une égalité de certains « biens
premiers » comme les libertés fondamentales et une distribution selon un
« principe de différence » dautres de ces biens comme la richesse et le
revenu en faveur des plus défavorisés. Cest cela le libéralisme social.
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