LE CENTRISME

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ALEXIS DE TOCQUEVILLE

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  Alexis de Tocqueville appartient à une grande famille aristocratique normande. Il est ainsi arrière petit-fils de Malesherbes et neveu de Chateaubriand. Ses ancêtres ont participé à la bataille de Hastings en 1066. Ses parents, Hervé Louis François Jean Bonaventure Clérel, comte de Tocqueville, soldat de la garde royale de Louis XVI, et Louise Madeleine Le Peletier de Rosanbo, évitent la guillotinegrâce à la chute de Robespierreen l'an II (1794). Après un exil en Angleterre, ils rentrent en France durant l'Empire, et Hervé de Tocqueville devient pair de France et préfet sous la Restauration.
Licencié de droit, Alexis de Tocqueville est nommé juge auditeur au tribunal de Versailles où il rencontre Gustave de Beaumont, substitut, qui collaborera à plusieurs de ses ouvrages. Tout deux sont envoyés aux États-Unis pour y étudier le système pénitentaire, d'où ils reviennent avec Du système pénitentiaire aux États-Unis et de son application (1832). Il s'inscrit ensuite comme avocat, et publie en 1835 De la démocratie en Amérique, œuvre fondatrice de sa pensée politique. Grâce à son succès, il est nommé chevalier de la légion d'honneur (1837) et est élu à l'Académie des sciences morales et politiques (1838), puis à l'Académie Française (1841).
A la même époque il entame une carrière politique, en devenant en 1839 député de la Manche (Valognes), siège qu'il conservera jusqu'en 1851. Il défendra au Parlement ses positions abolitionnistes et libre-échangistes, et s'interrogera sur la colonisation, en particulier en Algérie. Il est également élu conseiller général de la Manche en 1842 et devient président du conseil général entre 1849 et 1851.
  Après la chute de la Monarchie de Juillet, il est élu à l'Assemblée constituante de 1848, où il intègre la Commission chargée de la rédaction de la constitution. Il y défend le bicamérisme et l'élection du président de la République au suffrage universel.

Hostile à la candidature du Louis Napoléon Bonaparte à la présidence, lui préférant Cavaignac, il accepte cependant le ministère des Affaires étrangères entre juin et octobre 1849 au sein du Gouvernement Odilon Barrot. Opposé au Coup d'État du 2 décembre 1851, il fait partie des parlementaires qui se réunissent à la mairie du Xe arrondissement. Incarcéré à Vincennes puis relâché, il quitte la vie politique. Se retirant dans son château de Tocqueville, il entame l'écriture de L'Ancien Régime et la Révolution, paru en 1856. La seconde partie restera inachevée.

Il est considéré comme l'un des défenseurs historiques de la liberté et de la démocratie, il fut anti-collectiviste et est l'une des références des libéraux. Théoricien du colonialisme, légitimant l'expansion française en Afrique du Nord (1841-1846), il fustige néanmoins la barbarie des armées françaises en Afrique, s'oppose à l'application du régime militaire en Algérie (1848), et défend parmi les premiers l'abolition de l'esclavage dans les colonies (1839).

La pensée de Tocqueville

Son œuvre fondée sur ses voyages aux États-Unis d'Amérique est une base essentielle pour comprendre ce pays et en particulier lors du XIXe siècle.

La démocratie pour Tocqueville

Durant son séjour aux États-Unis, Tocqueville s'interroge sur les fondements de la démocratie. Contrairement à Guizot, qui voit l'histoire de France comme une longue émancipation des classes moyennes, il pense que la tendance générale et inévitable des peuples est la démocratie. Selon lui, celle-ci ne doit pas seulement être entendue dans son sens étymologique et politique (pouvoir du peuple) mais aussi et surtout dans un sens social.

L'égalité des conditions

Ainsi la première caractéristique de la société démocratique est l'égalité des conditions. Celle ci n'est pas rigoureusement définie chez Tocqueville; Elle est à la fois un principe et un fait et ce qu'elle recouvre évolue avec la société démocratique. Tocqueville a écrit que l'égalité des conditions impliquait l'absence de castes et de classes tout en indiquant que celle-ci n'équivalait pas à la suppression de la hiérarchie sociale. Contrairement à la société aristocratique, aucun des membres de la société démocratique ne subit sa destinée du fait de la position sociale qu'il occupe et la hiérarchie sociale ne renvoie plus à un ordre social préétabli qui assigne à chacun une place, des droits et des devoirs propres.

L'égalité des conditions constitue une autre appréhension de la structure sociale : les positions ne sont certes pas équivalentes mais elles ne cristallisent pas la totalité de l'existence sociale des individus. Ce qui constitue la condition sociale évolue avec la société démocratique (la fortune ou la propriété voient leur rôle se transformer). L'égalité des conditions se redéfinie sans cesse et ne peut se dissocier de la dynamique sociale. Mais plus que d'égalité, il faut parler d'égalisation dans la perspective de l'ordre social démocratique.

Pour Tocqueville, il y a quasi équivalence entre la démocratie (au sens politique) et l'égalité des conditions. Tocqueville considère que tous les hommes possèdent comme attribut la liberté naturelle c'est à dire la potentialité d'agir librement. la liberté se traduit dans la cité par l'égalité des droits civils et civiques. On fait référence ici à la liberté c'est à dire de ne pas être obligé de faire telle ou telle chose, mais aussi la liberté de prendre part à la vie publique. L'égalité des conditions renvoie à la citoyenneté.

Pour exemple Tocqueville expose la relation qui s'établit entre un maître et son serviteur dans la société démocratique par rapport à celle qui règne dans la société aristocratique. Dans les deux cas il y a inégalitémais dans l'ancienne société elle est définitive alors que dans la société moderne elle est libre et temporaire. libre car c'est un accord volontaire, que le serviteur accepte l'autorité du maître et qu'il y trouve un intérêt. Temporaire parce qu'il y a le sentiment désormais partagé entre le maître et le serviteur qu'ils sont fondamentalement égaux. le travail les lie par contrat et une fois terminé, en tant que membres du corps social, ils sont semblables. Les situations sociales peuvent être inégalitaires. Ce qui compte c'est l'opinion qu'en ont les membres de la société : ils se sentent et se représentent comme égaux.

L'égalité des conditions est donc un fait culturel. C'est cette attitude mentale qui fait de l'homme démocratique un homme nouveau dont les actes sont marqués par ce qui prend l'allure d'une évidence.

L'égalité des conditions pour Tocqueville articule ce qui est de l'ordre du principe : absence de distinctions sociales fondées juridiquement, égalité des droits, sentiment collectif de l'égalité.

Les caractéristiques de la société démocratique

La nouvelle société est mobile, matérialiste et assure différemment l'intégration de ses membres.

Dans la société aristocratique, les positions sociales sont figées. Or pour Tocqueville, à partir du moment où il n'existe plus aucun obstacle juridique ou culturel au changement de position sociale, la mobilité sociale (ascendante ou descendante) devient la règle. La transmission de l'héritage ne suffit plus à maintenir un niveau social et la possibilité de s'enrichir se présente à tous. La société démocratique apparaît comme une société où les positions sociales sont constamment redistribuées.

Cette société ouverte permet une transformation de la stratification sociale, des normes et des valeurs. Dans une société où les positions sociales sont héréditaires, chaque classe pouvait développer des traits communs suffisamment marqués pour lui permettre d'affirmer des valeurs propres. En revanche, dans la société démocratique les traits culturels de chaque classe s'estompent au profit d'un goût commun pour le bien être. Ce matérialismes'affirme lorsque l'accès à la richesse devient possible pour les pauvres et que l'appauvrissement menace les riches. Le brassage social réduit le rôle de la classe aisée, victime de la concurrence dans la course à la richesse, par l'égalitarismeet la perte de son rôle politique. Sur le plan culturel et économique, la société démocratique tend vers la constitution d'une grande classe moyenne.

Les dynamiques de la société démocratique

Tocqueville va montrer les mécanismes par lesquels on tend vers l'état de la société : l'égalité est un principe, l'égalisation un processus. La question est de savoir comment et pourquoi la société démocratique est appelée à suivre un tel mouvement.

Pour Tocqueville si l'égalité est hors d'atteinte, c'est pour deux raisons : d'une part les hommes sont naturellement inégaux, d'autre part, le fonctionnement de la société démocratique est lui même à l'origine de mouvement inégalitaires.

L'inégalité naturelle des individus fait que certains possèdent certaines atouts intellectuels ou physiques. Or en démocratie c'est l'intelligence qui est la première source des différences sociales. Il y a une naturalisation des inégalités fondées sur le mérite, on parle donc de méritocratie. Si les dispositions intellectuelles ne sont pas équivalentes, il est possible par l'instruction d'égaliser les moyens de leur mise en œuvre.

Comme il a été dit plus haut la société démocratique se caractérise par la mobilité sociale et la recherche du bien être matériel. Pour des raisons diverses comme les inégalités naturelles, certains réussiront mieux que d'autres. Il y a donc un paradoxe puisque l'égalité des conditions conduit à alimenter les inégalités économiques. Si les membres de la société démocratique cherchent à s'enrichir, c'est aussi pour se différencier socialement; Il y a donc la conjonction de deux mouvements : une aspiration égalitaire (conscience collective) et une aspiration inégalitaire (conscience individuelle). L'homme démocratique désire l'égalité dans le général et la distinction dans le particulier.

La société démocratique est de cette manière traversée par des forces divergentes. D'une part un mouvement [idéologique irréversible qui pousse vers toujours plus d'égalité et de l'autre des tendances socio-économiques qui font que les inégalités se reconstituent sans cesse.

Les risques de la société démocratique

C'est dans le renoncement à la liberté que se trouve le danger majeur pour la société démocratique. Un régime politique se caractérise par la règle de la majorité qui veut que, par le vote, la décision soit celle du plus grand nombre. Tocqueville relève que la démocratie comporte le risque d'une toute puissance de la majorité. Parce qu'il s'exerce au nom du principe démocratique, un pouvoir peut s'avérer oppressif à l'égard de la minorité qui a nécessairement tort puisque'elle est minoritaire. Il est évident que le vote traduit des divergences d'intérêt et de convictions au sein de la société. Il peut ainsi se faire que la poursuite de l'égalité s'exerce au détriment exclusif d'une partie de la population. Selon Tocqueville la démocratie engendrait le conformisme des opinions dans la société à cause de la moyennisation de la société. Ainsi il dénonce l'absence d'indépendance d'esprit et de liberté de discussion en Amérique. Quand toutes les opinions sont égales et que c'est celle du plus grand nombre qui prévaut, c'est la liberté de l'esprit qui est menacée avec toutes les conséquences qu'on peut imaginer pour ce qui est de l'exercice effectif des droits politiques.

La puissance de la majorité et l'absence de recul critique des individus ouvrent la voie au danger majeur qui guettent les sociétés démocratiques : le despotisme. Les hommes démocratiques sont dominés par deux passions : celles de l'égalité et du bien être. Ils sont prêts à abandonner à un pouvoir qui leur garantirait de satisfaire l'un et l'autre même au prix de l'abandon de la liberté. Les hommes pourraient être conduits à renoncer à exercer leur liberté pour profiter de l'égalité et du bien être. Les individus pourraient remttre de plus en plus de prérogatives à l'État. Dans les sociétés démocratiques, il est plus simple de s'en remettre à l'État pour assurer une extension de l'égalité des conditions dans le domaine politique qui est encadré par les lois. C'est l'État qui a pour charge leur élaboration et leur mise en œuvre.

A partir de là, l'État peut progressivement mettre les individus à l'écart des affaires publiques. Il peut étendre sans cesse les règles qui encadrent la vie sociale. Le despotisme prend la forme d'un contrôle. On arrive ainsi à l'égalité sans la liberté.

La société démocratique transforme le lien social en faisant émerger un individu autonome. C'est une source de fragilisation qui peut déboucher sur une attitude de repli sur soi. Tocqueville va montrer que l'individualisme peut naître de la démocratie. La démocratie brise les liens de dépendance entre individus et entretient l'espérance raisonnable d'une élévation du bien être ce qui permet à chaque individu ou à chaque famille restreinte de ne pas avoir à compter sur autrui; Il devient parfaitement possible pour son existence privée de s'en tenir aux siens et à ses proches.

« l'individualisme est un sentiment réfléchi qui dispose chaque citoyen à s'isoler de la masse de ses semblables de telle sorte que, après s'être créé une petite société à son usage, il abandonne volontiers la grande société à elle même ».

En choisissant de se replier sur ce que Tocqueville appelle « la petite société », les individus renoncent à exercer leurs prérogatives de citoyen. L'égalisation des conditions en rendant possible l'isolement vis à vis d'autrui remet en cause l'exercice de la citoyenneté. Le premier danger de la société démocratique est de pousser les citoyens de s'exclure de la vie publique. La société démocratique peut donc conduire à l'abandon de leur liberté par ses membres, parce qu'ils sont aveuglés par les bienfaits qu'ils attendent de toujours plus d'égalité directement ou indirectement. Tocqueville souligne que l'égalité sans la liberté n'est en aucun cas satisfaisante. L'accepter c'est se placer dans la dépendance.

Selon Tocqueville, une des solutions pour dépasser ce paradoxe, tout en respectant ces deux principes fondateurs de la démocratie, réside dans la restauration des corps institutionnels intermédiaires qui occupaient une place centrale dans l'Ancien Régime (associations politiques et civiles, corporations, etc.). Seules ces instances qui incitent à un renforcement des liens sociaux, peuvent permettre à l'individuisolé face au pouvoir d'État d'exprimer sa liberté et ainsi de résister à ce que Tocqueville nomme « l'empire moral des majorités ».

   

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